Évangile selon Saint Luc 14, 1.7-14
« Quand vous préparez un dîner ou un souper, n’invitez pas vos amis, ni vos frères, ni vos parents, ni vos voisins riches, mais invitez les pauvres, les faibles, les boiteux, et les aveugles. »
Que vous êtes bon, mon Dieu, vous qui voulez que non seulement on donne à tous les hommes, tous vos enfants, ce qu’on peut leur donner de biens spirituels, doctrine chrétienne, prédication de l’Evangile, moyens de sanctification, les seules choses au fond qui aient une valeur réelle, les seules qui durent éternellement ; non, il nous pourrait sembler que ces biens, si supérieurs aux autres qu’eux seuls semblent des biens et que tout le reste près d’eux est un néant, suffisent ; mais ce n’est pas assez à votre délicatesse, à votre paternelle tendresse : vous voulez qu’on ne se contente pas de donner aux hommes les biens de l’âme, vous voulez qu’après les leur avoir donnés, dans la mesure où on peut, on y ajoute les friandises des biens terrestres et des consolations du cœur… Que vous êtes divinement bon !
N’employons pas notre temps, nos ressources, nos biens, ce que nous avons et ce que nous sommes, à parler de Dieu aux justes, à faire des cadeaux aux riches, à faire plaisir aux heureux; mais à appeler à Dieu les pécheurs, à donner ce qui leur manque aux pauvres, à consoler les infortunés… Oh ! sans doute il faut aimer les bons, les riches et les heureux, Jésus aimait Marie, Lazare et ses sœurs. Tous les hommes sont membres de Jésus, membres de son corps (comme matière prochaine ou éloignée de son Église) ; tous à ce titre ont droit à un immense et religieux amour de notre part. Membres de Jésus ! Quelque chose de Jésus ! Une portion de Jésus ! Quelle vénération, quel respect, quel amour pour chacun d’eux ! Tous, tous, nous leur devons le même immense amour, riches, pauvres, bons, mauvais, heureux, malheureux, puisque tous sont membres de Jésus, sont quelque chose de Jésus. Mais si Jésus venait à nous, avec une partie de ses membres blessés, souffrants, ensanglantés, infirmes, oh ! sans doute, avant de lui parfumer les cheveux (quoique ses cheveux soient dignes de plus de parfums que n’en peuvent produire la terre et les cieux), nous panserions ses membres endoloris, sanglants. Oindre d’eau de rose ses membres sains et laisser là les parties de son corps blessées, saignantes, sans nous en occuper, ou bien ne vouloir nous occuper de les panser qu’après avoir bien parfumé les autres, ce serait non pas amour, mais folie… Ainsi ferait celui qui s’occuperait des riches, des justes, des heureux, avant de s’occuper des pécheurs, des pauvres, des malheureux : celui qui ferait ainsi ferait une folie, comme nous le voyons ; il désobéirait à la parole si nette de Notre Seigneur dans ce passage, il n’imiterait pas son exemple car il « est venu chercher non les justes, mais les pécheurs » ; il est venu « non pour les sains, mais pour les malades », il s’est entouré de pauvres, a vécu parmi les pauvres, consolé les pauvres, appelé à Lui « tous ceux qui sont fatigués et accablés. » [1]
[1] M/374, sur Lc 14,12-14, en C. DE FOUCAULD, L’imitation du Bien-Aimé. Méditations sur les Saints Évangiles (2), Nouvelle Cité, Montrouge 1997, 67-68.