Évangile selon Saint Luc 10, 25-37
« Aime Dieu de toutes tes forces, de toute ton âme, de tout ton cœur et de tout ton esprit ; et aime ton prochain comme toi-même. »
Que Vous êtes bon, mon Dieu, de permettre à moi, ver de terre, de vous aimer, de lever mes yeux vers vous, de penser à vous, de faire de vous l’objet de mes désirs, d’aspirer à vous, de ne respirer que pour vous, de diriger vers vous, vers votre amour tout mon cœur, mon âme, mes forces, mon esprit ; quelle grâce ! quelle faveur ! Mais me l’ordonner, mais en faire le premier de vos commandements, tellement le premier que seul il renferme tous les autres, faire votre seul précepte de ce qui est pour mon âme toute béatitude, de ce qui fait pour moi de la terre un ciel, quelle bonté ineffable, quel abîme de bonté et d’amour ! Que vous êtes bon, que vous aimez, ô mon Dieu, ô Bon Dieu !.. Après cela, rien ne saurait être si divinement doux, mais si rien ne peut atteindre la divine suavité de ce premier commandement, ce qui en approche le plus, c’est la douceur du second. Par le second, vous voulez que je sois aimé par tous les hommes comme ils s’aiment eux-mêmes et que je les aime tous comme ma propre âme : c’est à ce degré que vous voulez que m’aiment mes frères, moi, si pauvre et si abject, ô Dieu de mon cœur ! C’est dans cette atmosphère d’amour que vous voulez que je vive, aimant et étant aimé avec cette chaleur en tous les hommes !.. Oh ! Dieu d’amour, que vous êtes «Amour », « Deus charitas est», vous dont tous les commandements se résument à m’ordonner de brûler d’un feu d’amour tel qu’il monte jusqu’au ciel et remplisse toute la terre !
Aimer Dieu, cela nous oblige avant tout à lui obéir, puis à l’imiter ; ensuite à le contempler, à l’adorer (par votre culte), et à le servir (en cherchant à procurer son bien, c’est-à-dire : à le glorifier le plus possible)… Obéir passe avant tout et comprend tout ; celui qui obéit à Dieu, imite, contemple, adore et sert… Imiter passe après obéir (du moins dans la pratique), car pour imiter sûrement il faut imiter d’après l’obéissance : autrement on pourrait se tromper, car il y a des choses qui sont perfections en Dieu et qui pourraient être des imperfections en nous, de jeûner par exemple : quand ce n’est pas notre devoir ; c’est le devoir de Dieu, ce n’est pas le nôtre… Imiter parfaitement Dieu, cela nous mettra toujours dans toute perfection, mais, aveugles comme nous sommes, nous l’imiterions très imparfaitement si nous n’étions dirigés par l’obéissance… C’est pourquoi nous plaçons l’obéissance avant l’imitation, bien qu’en réalité elles soient sur le même rang, car l’obéissance n’est que « se conformer à Dieu parlant» et l’imitation n’est que « se conformer à Dieu agissant» : l’une et l’autre ne sont que la « conformité à la perfection, à la volonté parfaite de Dieu connue soit par ses paroles, soit par ses exemples » ; l’une et l’autre sont « la conformité à la perfection même, à Dieu ». Imiter comprend donc tout, aussi : celui qui imite Jésus, obéit à Dieu, le contemple, l’adore, le sert… La contemplation, l’adoration, le service avec un zèle infini doivent être, comme l’obéissance et l’imitation, de tous les instants, mais ils viennent après elles, car bien qu’ils les accompagnent nécessairement toujours, chacune de ces trois vertus est séparée et ne renferme pas les autres, comme font l’obéissance et l’imitation : (On le voit : l’obéissance et l’imitation, sans être identiques, ont beaucoup de ressemblances dans leurs effets, quand elles s’adressent à Dieu ; l’une est l’obéissance aux paroles, l’autre, l’obéissance aux exemples). Pour aimer le prochain comme soi-même il faut, semble-t-il, faire pour lui ce qu’on fait pour soi… faire pour lui ce qu’on approuverait qu’il fît pour nous… faire pour lui ce qu’on serait heureux que Jésus fît pour nous… faire pour lui ce que Jésus faisait, ce qu’il a dit de faire, ce qu’il ferait à notre place…[[M/343, sur Lc 10,25-37, en C. DE FOUCAULD, L’imitation du Bien-Aimé. Méditations sur les Saints Évangiles (2), Nouvelle Cité, Montrouge 1997, 34-36.]].