« Marie a choisi la meilleure part qui ne lui sera point ôtée. »
Mon Dieu, que vous êtes bon de défendre votre servante que sa sœur attaque!.. Que vous êtes bon de défendre une fois pour toutes tous ceux qui laissent tout pour vivre dans votre divine contemplation !.. Que vous êtes bon de déclarer « la seule chose nécessaire » et « la meilleure part » ce qu’il y a de plus doux au monde, ce qui fait de notre vie un ciel, votre contemplation, ô Bien-aimé Jésus !
Une seule chose est nécessaire, ô Jésus, vous aimer et accomplir d’heure en heure les œuvres demandées par l’amour… Un seul acte d’amour vaut mieux que l’univers… Vous offrir un acte d’amour est plus vous donner que vous offrir en sacrifice mille mondes... Car l’âme humaine est tellement supérieure à la matière, que vous offrir le moindre acte de vertu purement spirituel est plus que vous offrir tous les mondes matériels possibles : à plus forte raison, le moindre acte d’amour, qui est la plus sublime des vertus, est-il une offrande infiniment supérieure à toutes les offrandes matérielles possibles… Il faut cependant dans certains cas, quand Dieu le veut, faire pour lui des œuvres matérielles, parce que esprit et matière, tout notre être doit l’adorer et le servir, mais sachons bien que la dignité de notre âme et sa supériorité sont telles,que le moindre acte de vertu purement spirituel de l’âme a plus de prix que tous les univers, tous les mondes matériels possibles ; ce qui nous montre jusqu’à quel point « une seule chose est nécessaire », l’amour brûlant dans le cœur, jusqu’à quel point « Marie a choisi la meilleure part », et jusqu’à quel point ce serait voler Dieu que de retirer à Marie une contemplation qui le glorifie plus en chacun de ses moments que ne le ferait l’offrande de tous les mondes… Cela montre aussi que l’âme qui veut glorifier Dieu doit aller avec Magdeleine à ses pieds et y vivre de la contemplation (en lui donnant comme gardiennes : le silence et la solitude), et rester dans cette vie de pure contemplation jusqu’à la mort, à moins que Dieu ne l’appelle lui-même clairement à un travail extérieur, comme il le fit pour saint Jean Baptiste et les apôtres… Alors, il faut obéir, bien entendu, puisque l’obéissance est le premier devoir de l’amour, mais tout en se livrant à toutes les œuvres extérieures que Dieu demande de nous, il faut rester par l’âme assis à ses pieds, il faut demeurer intérieurement dans la contemplation de Jésus tout en agissant extérieurement pour son service… On ne cesse pas alors de mener la vie de Magdeleine, mais on y joint celle de Marthe, comme fit Jésus dont la contemplation fut toujours incessante… Mais pour pouvoir joindre ainsi les deux vies, il faut avoir mené longtemps la vie de Marie dans la solitude et le silence, c’est pourquoi Dieu n’appelle aux œuvres extérieures les âmes qui veulent le glorifier, qu’après leur avoir fait passer longtemps d’abord dans la contemplation solitaire, où il forme et fortifie leur âme de telle sorte qu’elles peuvent rester ensuite contemplatives le reste de leur vie, tout en étant actives ; si elles étaient actives sans être contemplatives, elles le glorifieraient bien peu, les œuvres extérieures étant d’un prix infiniment moindre, comme nous l’avons vu, que les actes purement intérieurs… Saint Jean-Baptiste, saint Paul sont des exemples de cette conduite divine : Dieu les établit d’abord dans la vie contemplative, par une longue solitude, puis il les appelle à une vie active pour leur faire joindre aux mérites très supérieurs de la contemplation dans laquelle ils étaient établis et qu’ils ne cessèrent de pratiquer tous les instants de leur vie, les mérites très inférieurs, mais très réels cependant, de la vie active, ajoutant les seconds aux premiers, sans jamais perdre les premiers… La vie de Magdeleine est donc tellement supérieure à celle de Marthe, qu’on ne peut procurer grandement la gloire de Dieu par cette dernière seule et que pour y glorifier Dieu beaucoup, il faut absolument y joindre la première, dont le prix, incomparablement plus grand [[M/344, sur Lc 10,38-42, en C. DE FOUCAULD, L’imitation du Bien-Aimé. Méditations sur les Saints Évangiles (2), Nouvelle Cité, Montrouge 1997, 36-38]].