Évangile selon Saint Matthieu 18,12-35
« Comme mon Père m’aime, je vous aime. Restez dans mon amour. Si vous observez mes préceptes, vous restez dans mon amour, comme moi j’observe les préceptes de mon Père et je reste dans son amour. »
Que vous êtes bon, mon Dieu, et de nous aimer, et de nous aimer à ce point, « d’une manière analogue à celle dont le Père aime le Fils », et de nous dire que vous nous aimez ainsi ! et de nous le dire à votre dernière heure, comme un aveu suprême, comme confidence suprême, comme la déclaration de votre amour au moment de mourir ! Que vous êtes bon, que vous nous aimez ! Que nous sommes fortunés !.. Et que votre amour va plus loin encore que tout cela… Il ne vous suffit pas de nous faire cet aveu suprême de l’immensité de votre amour pour nous, vos pauvres créatures, vous voulez encore « nous tirer à vous », nous rendre dignes de cet amour, et cela, en nous rendant ce qui suffit et est nécessaire pour être parfait, c’est-à-dire, en nous rendant enflammés de l’amour divin (« notre robe nuptiale est l’amour qui seul nous embellit », dit saint Grégoire le Grand), vous voulez jusqu’à votre dernier instant accomplir votre œuvre ici-bas, remplir votre but, votre seul désir : « allumer sur la terre » le feu de l’amour de Dieu. Vous l’allumez ici avec une force suprême :
1° et en nous disant que vous nous aimez, et combien vous nous aimez, et en nous le disant à cette heure dernière, car cela porte à l’amour d’une façon merveilleuse de se savoir aimé et tant aimé, et de se l’entendre dire d’une manière si touchante en un moment si émouvant ;
2° et en nous demandant, nous recommandant, nous ordonnant de vous aimer nous-mêmes, vous, notre Époux Bien-aimé, notre Père, notre Maître, notre Sauveur, notre Dieu ;
3° en nous ordonnant de vous obéir, car l’obéissance produit l’amour, naît de lui, l’accompagne, est à la fois sa mère, sa fille et sa sœur, en est une cause, un effet, un compagnon, et lui est si indissolublement lié que l’un ne peut aller sans l’autre, quand c’est à Dieu qu’on les rend (car qui aime l’Être Parfait lui obéit nécessairement en tout; et qui obéit à Dieu l’aime nécessairement de toute son âme, puisque c’est « le premier commandement » ;
4° Non seulement vous nous commandez l’obéissance, mais vous nous y entraînez par votre exemple : les paroles édifient, les exemples entraînent. Aussi, après nous avoir donné l’ordre, vous nous « tirez à votre suite », en nous citant votre exemple, n’omettant aucun moyen pour nous établir dans cette obéissance bénie… Non seulement vous nous citez votre exemple et vous dites : « J’obéis », mais vous nous expliquez, nous déclarez formellement que c’est par cette obéissance que vous restez dans l’amour de votre Père; l’obéissance n’est pas l’amour, mais elle est la pratique de l’amour, quand l’amour s’adresse à Dieu; vous nous dispensez par là de tous raisonnements et vous nous apprenez par une déclaration de votre parole infaillible que « c’est en observant les préceptes de Dieu, qu’on s’établit dans son amour »… « Comme j’observe les préceptes de mon Père et je reste dans son amour», c’est nous dire: « Obéir à Dieu, c’est aimer Dieu, c’est en obéissant à Dieu qu’on est établi dans son amour, qu’on l’aime » ;
5° enfin, par là même que vous nous citez votre exemple pour nous entraîner à l’obéissance, vous nous invitez à vous imiter, et si l’obéissance est le fruit et la mère de l’amour, l’imitation ne l’est pas moins (quand on aime Dieu, on l’imite pour s’unir à lui, Être parfait, lui plaire; quand on imite Dieu, on l’aime, puisqu’il s’aime infiniment).
« Comme mon Père m’aime, je vous aime. Restez dans mon amour (aimez-moi ! ). Si vous observez mes préceptes (obéissez !) vous restez dans mon amour (vous m’aimez), comme moi j’observe les préceptes de mon Père, et je reste dans son amour (je l’aime), (imitez-moi ! »… « Je vous aime »… « Aimez )donc Dieu, puisqu’il vous aime le premier… Pour l’aimer, obéissez-lui et imitez-le, c’est là en quoi consiste la pratique de l’amour, comme je vous le prouve par mon propre exemple »… Voici ce que nous dit Jésus notre Bien-aimé et notre Dieu; écoutons-le : le cœur plein et débordant d’une gratitude infinie envers ce Dieu qui daigne nous aimer et nous dire qu’il nous aime ; aimons-le à notre tour, et pour l’aimer non seulement de bouche, mais de cœur et par conséquent par nos actes, obéissons-lui et imitions-le, puisque comme il nous l’enseigne lui-même et par sa parole et par son exemple formels, ce sont là par excellence les deux œuvres, les deux pratiques de l’amour [1].
[1] M/492, sur Jn 15,9-10, en C. DE FOUCAULD, L’imitation du Bien-Aimé. Méditations sur les Saints Évangiles (2), Nouvelle Cité, Montrouge 1997, 228-230.