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Évangile selon Saint Jean 15, 9-17

 

« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon précepte, c’est que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés : le plus grand amour, c’est de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

« Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous (par l’établissement en vous de l’amour pour Dieu, lequel fait toute ma joie) et que votre joie soit parfaite (comme la mienne, par suite de votre amour pour Dieu, amour en lequel seul consiste le bonheur en cette vie et en l’autre… « Si on n’aimait pas Dieu, on ne serait pas heureux même au ciel » — saint Jean de la Croix). Mon précepte, (ce précepte auquel je vous ai dit d’obéir : l’amour, vous ai-je dit, quand il s’adresse à Dieu, consiste à lui obéir ; non que l’obéissance en soi comprenne tout l’amour ; l’amour comprend l’obéissance, mais l’obéissance ne comprend pas tout l’amour en soi et nécessairement ; mais quand l’obéissance s’adresse à Dieu, elle comprend l’amour parfait de Dieu, puisque Dieu, étant infiniment parfait, nous commande nécessairement ce qui est juste et rien n’est plus juste que de l’aimer ; et en effet nous voyons que le « premier commandement » est de l’aimer… Ici vous nous donnez un deuxième précepte : vous nous avez donné le premier puisque dans tout l’Evangile, et à cette heure même, vous ne faites autre chose que nous porter à vous aimer par vos paroles et vos exemples… Mais ici vous nous donnez un deuxième précepte, un précepte particulier, « votre » précepte. Aimer Dieu, c’était déjà le premier précepte de l’ancienne loi, des patriarches, cela reste éternellement le premier précepte des hommes et des anges… Ici vous nous donnez « un nouveau » précepte, « votre » précepte, le précepte caractéristique de la loi nouvelle, du Nouveau Testament : « C’est à cela qu’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples », vous l’établissez solennellement en même temps que vous établissez solennellement le Nouveau Testament en distribuant aux apôtres le « calice du nouveau Testament, de la nouvelle alliance dans votre sang »… Ce précepte particulier, ce second précepte, en l’obéissance auquel consiste l’amour de Dieu qui est et reste le premier précepte, c’est l’amour du prochain), c’est que vous vous aimiez les uns les autres (amour du prochain), comme je vous ai aimés (jusqu’à donner votre vie pour le salut de l’âme ou du corps de tout homme ; et en faisant pour le bien de tout homme toutes les œuvres exigées par le plus grand amour ; car c’est ainsi que j’ai aimé tous les hommes, puisqu’après leur avoir fait dans ma vie tout le bien possible, je vais encore mourir pour chacun d’eux, leur donnant ainsi la preuve suprême que je les aime du plus grand amour ; car) le plus grand amour, c’est de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

Que vous êtes bon, mon Dieu, chacune de vos paroles est une flamme, chacune est brûlante d’amour : plus vos derniers moments approchent, plus vos paroles sont embrasées… « Vous nous dites cela », vous nous jetez dans l’amour de Dieu, « pour que votre joie soit en nous », pour que l’amour pour Dieu qui fait la joie de votre cœur soit en nous, « et que votre joie soit parfaite », et que l’amour pour Dieu produise en notre âme comme en celle de Jésus une joie parfaite. « Mon précepte, c’est que vous vous aimiez les uns les autres ; vous aimez tant tous les hommes qu’après l’amour pour Dieu, vous ne commandez rien tant que d’aimer tous les hommes. Cet amour des hommes fait partie de l’amour de Dieu, en est la conséquence, l’effet, y est compris ; et cependant pour mieux le mettre en évidence, vous faites de lui une mention particulière, vous le commandez tout spécialement ; non seulement vous le commandez, mais vous en faites le caractère spécial qui doit distinguer vos disciples… Que vous êtes bon, mon Dieu, de nous aimer tous à ce point, que vous donnez comme signe distinctif qu’on vous appartient l’amour qu’on a pour nous ! Que vous êtes bon, de nous aimer tous à ce point que votre dernière volonté, votre testament suprême, votre dernière recommandation à vos disciples, c’est de nous aimer tous comme vous nous avez aimés vous-mêmes, c’est-à-dire jusqu’à donner leur vie pour chacun de nous !.. Que vous êtes bon, mon Dieu, de nous aimer « du plus grand amour » et de nous déclarer que vous nous aimez « du plus grand amour » en disant formellement : « Il n’y a pas de plus grand amour que de mourir pour ceux qu’on aime ! »… Que vous êtes bon enfin, mon Dieu, non seulement d’être prêt à mourir pour nous, mais de mourir effectivement pour chacun de nous, comme vous allez le faire dans quelques heures, nous aimant ainsi, comme vous le dites vous-même, en regardant l’avenir si rapproché de votre Passion, « du plus grand amour »… O Cœur sacré de Jésus, que vous nous aimez ! Ayez pitié de nous et faites que nous ne soyons pas ingrats devant un tel amour, mais que nous vous rendions amour pour amour, autant que le peut une créature humaine !.. Oh ! mon Dieu, à quel point vous vous efforcez en ces derniers moments de votre vie mortelle, d’atteindre le but de toutes vos paroles, de tous vos exemples, de remplir votre seul désir, ce but, ce désir, qui est d’allumer dans nos cœurs ce feu de l’amour de Dieu que « vous êtes venu porter sur la terre »… Comme vous nous poussez à l’amour divin et par la suavité ineffable de vos paroles, et en nous rappelant que l’amour pour Dieu est la source de toute joie en cette vie et en l’autre ; et en nous ordonnant de nous aimer mutuellement (la charité pour les hommes non seulement est le résultat, l’effet, la fille de l’amour de Dieu, puisqu’on ne doit l’avoir qu’en vue de Dieu ; mais elle est encore la cause, la mère, l’augmentatrice de l’amour de Dieu, le faisant croître et progresser dans nos cœurs : en effet, nous n’avons qu’un cœur qui est ou chaud, ou tiède, ou froid : s’il est chaud pour Dieu, il l’est pour les hommes ; s’il est tiède, froid pour Dieu, il est tiède, froid pour les hommes ; et réciproquement, ce que notre cœur est pour les hommes, il l’est nécessairement pour Dieu ; s’il est froid, il est froid pour tous ; s’il est chaud, il est chaud pour tous ; d’où il suit que plus nous aimons Dieu, plus nous aimons les hommes, plus nous aimons les hommes, plus nous aimons Dieu ; notre cœur, en s’échauffant pour un objet, s’échauffe aussi pour tous les autres ; en se refroidissant pour un objet, il se refroidit pour tous les autres. Donc toute augmentation de l’amour du prochain dans nos cœurs produit une augmentation identiquement égale d’amour de Dieu… Ainsi, en nous recommandant tant l’amour du prochain, Notre Seigneur nous porte à l’amour de Dieu exactement autant qu’à l’amour des hommes… Qu’il est ineffablement bon de nous pousser ainsi par tant de moyens, par tant de côtés, à son amour !) ; et en nous déclarant que vous nous aimez, et que vous nous aimez du plus grand amour, au point de donner votre vie pour chacun de nous !

Aimons Dieu… Pour cela obéissons-lui, imitons-le, contemplons-le, et aussi aimons tous les hommes : toute augmentation d’amour du prochain qui se fera dans notre cœur produira nécessairement en même temps une augmentation identiquement égale d’amour pour Dieu… Aimons tous les hommes pour obéir à Dieu : « Mon précepte, c’est que vous vous aimiez les uns les autres » ; pour imiter Dieu : « Que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés » ; pour parvenir à aimer Dieu, car tout accroissement dans nos cœurs de l’amour des hommes y produit un accroissement exactement égal d’amour de Dieu ; pour mille causes qui toutes découlent de notre amour pour Dieu, par exemple: parce que tous les hommes sont les créatures de Dieu, les images de Dieu, les enfants chéris de Dieu, parce que tous sont appelés à jouir au ciel de la vue de Dieu, parce que tous ont été rachetés au prix du sang de Jésus, sont appelés à recevoir dans la sainte communion Jésus, sont membres de Jésus, portions comme matière prochaine ou éloignée du corps de Jésus, parce que tout ce que nous leur faisons, Jésus le reçoit comme fait à lui-même (Mt 25) … Aimons tous les hommes comme Jésus les a aimés, jusqu’à donner notre vie pour le salut de leurs âmes ou de leurs corps… Aimons surtout Jésus lui-même du plus grand amour, de cet amour qui consiste à verser le sang pour l’être aimé ; soyons prêts à le verser pour lui, nous qui devons l’être à le verser pour tout homme ; désirons, demandons à le verser pour Jésus ; faisons ce qu’il est en nous et ce que nous permet la volonté divine pour avoir le bonheur de donner cette preuve du « plus grand amour » à notre Bien-aimé Jésus [1] !

[1] M/493, sur Jn 15,11-13, en C. DE FOUCAULD, L’imitation du Bien-Aimé, Nouvelle Cité, Montrouge 1997, pp. 231-235.